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7 avril 2013 7 07 /04 /avril /2013 07:40

Plusieurs fois par semaine, je vais marcher sur la voie verte qui longe la Saône. Je rencontre de nombreux autres promeneurs que je salue au passage avec plus ou moins de bonheur quant au retour du salut. C'est là qu'un jour je remarquai un petit vieux, casquette vissée sur la tête, simplement vêtu mais de façon très soignée, marchant avec difficulté en s'appuyant sur une canne. Il avait une bonne tête et un doux regard qui attiraient immédiatement la sympathie. Visiblement il aimait à se reposer au milieu de sa promenade en s'asseyant sur une grosse pierre cubique arrivée on ne sait trop comment sur la berge de la rivière et qui palliait l'absence de banc. Je pris l'habitude de le saluer et à chaque fois, il répondait avec chaleur à mon salut. Puis vint l'hiver et la plupart des promeneurs occasionnels s'évanouirent, sauf lui et moi. Un jour qu'il était sur sa pierre, je m'arrêtai pour échanger quelques mots avec lui, oh rien de bien particulier, la météo, les péniches aménagées du port de plaisance, les oiseaux de la rivière, les nouvelles plantations faites par les employés municipaux. Cet arrêt de quelques minutes devint une habitude.

Un jour je m'aperçus que la pierre avait disparu, enfin, plus exactement, qu'elle avait migré pour se retrouver de l'autre côté du chemin, au milieu d'un terrain fraîchement engazonné. Lorsque je vis le vieux monsieur arrivant cahin caha, ce fut la première chose qu'il me dit :"Ils m'ont enlevé ma pierre". Pas question d'aller s'aventurer dans la terre meuble pour s'asseoir. Il en était tout triste. Le jour suivant, j'avisai une équipe d'employés de la ville à la manoeuvre sur une aire de stationnement à proximité de la voie verte. Je demandai au contremaître qui avait eu l'idée saugrenue de bouger cette pierre pour la mettre dans un lieu inaccessible, alors qu'elle servait de banc aux  personnes âgées qui souhaitaient faire une pause durant leur promenade. Deux jours plus tard, la pierre était de retour sur la berge avec mon pépé assis dessus. "Ils l'ont remise" me dit-il en haussant les épaules avec un grand sourire.

Pendant deux semaines, je ne revins plus sur la voie verte. A mon retour, je m'aperçus que mon pépé avait disparu. A chaque fois, je ressentais comme le pincement de la déception en ne le retrouvant pas là, sur sa pierre. Je ne connaissais pas son nom, encore moins son adresse, de sorte que je me pris à imaginer qu'il était peut-être malade, ou pire, mort. La vie est ainsi...

Hier, à cent mètres, je reconnus sa silhouette. Il se reposait sur sa pierre, le visage tourné dans ma direction et je sus immédiatement qu'il m'avait vu de loin. Lorsque je fus à une vingtaine de mètres, il leva les bras au ciel en brandissant sa canne. "Ah ben, j'ai cru que vous aviez disparu" me dit-il. "J'me suis dit, tiens, j'vois plus l'monsieur". Je me rendis compte qu'en fait, il avait partagé la même inquiétude que moi et que, d'une certaine façon, chacun faisait désormais partie de l'univers de l'autre.

Je ne connais toujours pas son nom et il ne connaît pas le mien. Mais en avons-nous besoin puisque son bon visage et son doux regard d'un côté, ma bienveillante attention à son égard de l'autre, ont suffit à ce que d'une pierre abandonnée sur une berge de la Saône, naisse un peu de chaleur humaine.     

 

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8 novembre 2012 4 08 /11 /novembre /2012 10:52

Ce n'était pas en restant les deux pieds dans le même sabot que le Riquet allait trouver l'âme soeur à soixante-six ans, surtout en vivant dans ce trou perdu de Poissey, joli port de pêche jurassien de 77 habitants. Et ça, il l'avait bien compris. La solitude lui pesait depuis que la Renée, sa femme, s'était fait la malle après quarante an de ménage et autant de scènes du même nom. 

Le Riquet avait son idée.

 

 

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23 mai 2012 3 23 /05 /mai /2012 10:06

C'était l'été 1960, et comme chaque année, mon père choisissait une destination de vacances dans les petites annonces de l'Auto-Journal. Le choix de la villégiature reposait sur deux critères : exotisme et modicité des coûts. Cette année-là, donc, la Dauphine traversa la France pour nous ammener dans une modeste pension de famille du charmant petit port de Bréhec, dans les Côtes-du-Nord. 

Moi qui comptais me baigner dans l'océan...


 

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10 mai 2012 4 10 /05 /mai /2012 10:18

Le Lili était le boulanger du village, mais ses amis l'avaient surnommé "la tripe" en raison de son imposante circonférence qui devait cacher plus de boyaux que de raison et de surcroît du boyau mal enroulé. La boulangerie donnait sur la place, la boutique occupant l'étage et l' on accédait au fournil, une pièce voûtée tout en longueur située juste en dessous, en descendant quelques marches. A gauche de l'entrée, quatre caisses de bière vides, à droite, quatre caisses de bière pleines, c'est que, comme disait le Lili, quand on fait du pain, il fait soif...

 

 

 

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18 avril 2012 3 18 /04 /avril /2012 16:30

Le père Rouard était garagiste retraité, mais aussi une sorte de Géo Trouvetou. Ce génial bricoleur n'avait-il pas inventé une boule à bille pour doser le Martini qui, hélas, versait des doses trop importantes, raison pour laquelle elle ne fut jamais commercialisée. Il inventa aussi un vélomoteur, avec moteur débrayable entraînant la roue arrière par galet. Il fut très affecté par l'apparition du Solex, regrettant de ne pas avoir choisi la bonne roue. Il roulait dans une Renault Celta 4 antique, mais dans laquelle il avait installé des freins assistés d'une efficacité redoutable ainsi qu'un klaxon à compresseur.

Ce jour-là, le père Rouard était malade comme un chien...

 

 


 

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10 avril 2012 2 10 /04 /avril /2012 09:33

C'était un soir de juillet, quand le jour tente de s'éterniser pendant que l'oeil s'habitue à l'obscurité naissante. J'avais dépassé l'âge de raison mais pas encore atteint l'âge bête. Ce soir-là, donc, ma grand-mère maternelle, férue d'ésotérisme, me proposa de m'initier à l'art du pendule, le reste de la famille suivant à la télévision les péripéties de la nouvelle émission de la RTF "la Tête et les Jambes" présentée sur l'unique chaîne par un certain Pierre Bellemare.

Assis à côté d'elle, sur le banc dans la cour, j'observai la préparation du pendule. Elle quitta son alliance qu'elle suspendit à un mince fil de coton. A l'autre extrémité, elle fit une boucle dans laquelle elle enfila son petit doigt, puis elle saisit délicatement le fil entre le pouce et l'index, de façon à ce que l'alliance pende en toute immobilité.

- Avec ça, me déclara-t-elle, on peut connaître l'avenir...

 

 

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8 novembre 2011 2 08 /11 /novembre /2011 09:48

Lorsque la Lucienne ouvrit la lettre, elle trouva la facture du téléphone salée. En l'épluchant, elle releva maintes fois le même numéro inconnu. Elle en fit ni une ni deux, elle composa le numéro en faisant bien attention de ne pas se tromper de trou dans le cadran. Elle entendit au bout du fil une voix féminine aussi inconnue qu'agressive et désagréable :

- Qui t'es, toi?

- Ben moi, chui la Lucienne, fit-elle un brin décontenancée.

- Ah c'est toi morue, ben moi c'est la Josy et maint'nant tu vas dégager, que le Raymond est à moi...

 

 

 

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1 août 2011 1 01 /08 /août /2011 23:00

En ce temps-là, l'Afrique ne savait pas encore qu'elle pouvait entrer dans l'Histoire.

Pademba road, elle, entrait dans Freetown par les faubourgs, absorbant les voitures qui descendaient de la colline des  riches qu'elle conduisait, rectiligne, jusqu'au gigantesque et emblématique Cotton tree  marquant le coeur de la capitale.

Après la prison et juste avant l'Ambassade de Cuba, Pademba road croisait  Circular street qui amenait les employés et les cadres moyens vers les bureaux du centre ville. Au carrefour, il y avait un feu dont le fonctionnement aléatoire était en osmose avec la fréquence des coupures de courant...


 

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25 juin 2011 6 25 /06 /juin /2011 07:22

Quand elle entre, elle ne passe pas inaperçue. Légère et court vêtue, tailleur strict mais sexy, petit attaché-case, décolletée mais pas trop, maquillée mais pas trop, manucurée, elle laisse sur son passage un entêtant parfum  avant de rejoindre la dernière chaise disponible. Elle croise haut ses jambes et je crois percevoir le doux crissement du nylon. C'est sûr qu'elle détonne au milieu de ces vieilles fripées, des ventrus, des doubles mentons, des courbés, des ratatinées. Les hommes concupiscents déjà la considèrent et déjà les femmes la haïssent. Elle semble anxieuse...

 

 

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28 octobre 2010 4 28 /10 /octobre /2010 14:00

La Ginette aimait les chiens. Non pas les chiens normaux, avec une truffe, quatre pattes et une queue, mais les boules de poils microscopiques, où l'on peine à distinguer l'avant de l'arrière, ni sympathiques et ni affectueuses. Ainsi était la Zoukette, objet de la vénération de madame, animal parfaitement stupide mais sans doute doté d'un ampli tant la force de ses aboiements semblait disproportionnée à sa taille. Pendant la journée, la Zoukette faisait surtout du lit ou éventuellement du canapé dans l'appartement situé au-dessus du café-bar-alimentation-loto de Courteville que tenait sa maîtresse avec François, son mari. En été, lorsque les fenêtres de l'appartement restaient entrouvertes pour laisser entrer un peu d'air, la Zoukette pouvait donner la pleine mesure de ses poumons en aboyant à longueur de temps. Cela dut énerver un voisin, toujours est-il qu'un beau soir, le François, en remontant dans l'appartement trouva la Zoukette étendue raide dans son vomi et ses excréments...

 

 

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