On pourrait croire que la calamiteuse expédition du quartier de la Villeneuve à Grenoble, ne soit que le raccourci de l'échec de la politique sécuritaire sarkozienne depuis 2002, date de sa première incursion au ministère de l'intérieur. Elle est surtout la traduction d'une stratégie mûrement réfléchie dont la peur est l'élément cardinal et donc qu'il convient d'entretenir. Pour ce faire, la recette est simple, d'un côté laisser l'insécurité se développer en réduisant effectifs et moyens aux policiers puis en soufflant sur les braises, de l'autre, hypnotiser l'opinion par des discours tonitruants, légiférer à outrance après chaque fait-divers, et enfin gesticuler dans les banlieues sensibles devant les médias. C'est de la politique spectacle et ça marche ! Le brave français, terrorisé par ces ennemis de l'intérieur qu'on désigne à sa vindicte, pense avoir enfin trouvé un sauveur et applaudit, qu'il soit de droite ou de gauche, persuadé que cette déclaration de guerre est juste et sera suivie d'effets.
Or la situation s'est-elle améliorée depuis 2002, date des premières fanfaronades? Je vous en laisse juge.
Cependant, pour vous rafraîchir la mémoire et vous montrer que cette stratégie ne date pas d'hier, voici un petit rappel des faits tel qu'on peut le trouver dans Wikipédia à la rubrique "Sarkozy"..
2005, NS est alors ministre de l'intérieur de Chirac.
"Le 20 juin 2005, alors qu'il effectue une visite dans une cité de La Courneuve, au lendemain de l'homicide d'un enfant de onze ans victime de balles perdues, il déclare : « Les voyous vont disparaître, je mettrai les effectifs qu'il faut, mais on nettoiera la Cité des 4000 »[45]. Une dizaine de jours plus tard, toujours à La Courneuve, il renchérit : « Le terme « nettoyer au Kärcher » est le terme qui s'impose, parce qu'il faut nettoyer cela »[46]. Les mots « nettoyer » et « Kärcher » font aussitôt l'objet d'une vive polémique, à l'origine de la rupture avec le ministre délégué à la Promotion de l'égalité des chances, Azouz Begag[47].
En septembre 2005, Nicolas Sarkozy incite les préfets à la fermeté contre tous ceux qui, selon lui, mettent en cause la sécurité des « Français », « en premier lieu les gens du voyage, les jeunes des banlieues, les immigrés illégaux »[48].
Le 26 octobre 2005, à 22 heures, au cours d'une visite d'un quartier d'Argenteuil, la situation est assez tendue : le ministre est insulté par des jeunes du quartier et est l'objet de jets de pierres sur son passage. Les journaux télévisés diffuseront à de nombreuses reprises les images du ministre déclarant, en s'adressant à un interlocuteur invisible à l'écran : « Vous en avez assez, hein, vous avez assez de cette bande de racailles ? Eh bien on va vous en débarrasser »[49]."
Pourtant, à la longue, ce petit jeu finit par devenir dangereux et la rupture pourrait bien se terminer par une fracture. Soulever une partie de la population contre des minorités dans une perspective électoraliste, on a déjà vu ça en d'autres temps et en d'autres lieux et l'on sait comment cela se termine.
Mais c'est tellement utile pour cacher l'échec, pire, l'incurie et le fiasco d'une politique. La petite et la grande délinquances font leur lit du chômage et de la misère, de la ghettoisation et de l'exclusion. Ne manquaient plus que la stigmatisation et la vindicte populaire.
En 2009, l'emploi salarié a reculé à un niveau jamais observé depuis l'après-guerre, mais ça, c'est la faute à une crise tombée du ciel, aux 35 heures, à Mitterrand, Jospin et au Front Populaire réunis, peut-être même à la séparation de l'Eglise et de l'Etat.